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Photographie Martin Parr |
Le vacancier
En Bretagne,
on l’appelle « l’estivant », le vocable varie en fonction du terroir.
De la République Dominicaine au littoral atlantique, qu’il vienne d’Allemagne,
de l’autre pays du fromage ou de notre France rieuse, le vacancier sublime la
nature humaine. Il ne faut pas le confondre avec le touriste.
Un touriste
qui se respecte a conservé un supplément d’âme d’explorateur. Il lui reste
quelques bribes de curiosité intellectuelle, une place pour la découverte du
monde et de l’autre (enfin en principe, car le touriste cherche à donner des
leçons au monde entier ce qui peut être parfois très rasant). Bref revenons à
nos moutons avec une démonstration simple.
Le touriste
ira explorer les caves du bordelais, découvrir les sites ostréicoles, noter la
recette du cannelé.
Le vacancier aura fait en moyenne 800
kilomètres (en 12 heures minimum car il n’a pas écouté les prévisions de bison
futé) pour explorer la superficie minable de sa terrasse surexposée tout en se
gavant de promiscuité. Il restera là du
matin au soir. La teneur en alcool des boissons consommées augmentera au fil
des heures : café, rosé d’ici ou d’ailleurs, bière et le sacro saint
apéritif anisé de la nuit tombante, on finira avec la Mirabelle de derrière les
fagots dissimulée avec talent sous le plaid au fond du coffre, histoire de
partager avec les voisins… Dommage l’éthylotest n’est pas obligatoire dans les
bungalows.
Le vacancier
accepte de payer en moyenne 2000 euros la quinzaine pour habiter dans un
endroit exigu avec toute sa tribu, le prix du mètre carré dépassant alors celui
des logements en région parisienne (1000 euros la semaine pour une vingtaine de
mètres carrés pour cinq personnes). A cela, il faut ajouter l’emplacement de la voiture,
heureusement les rottweilers ne sont pas acceptés même muselés.
Le confort
du logement est une réplique délocalisée et dévalorisée du confort domestique
habituel : on doit se taper la vaisselle, il faut aller à 300 mètres laver
son linge (les jetons sont vendus 5 euros), le voisinage a le plaisir de voir
sécher la lingerie XXL et les strings des petites oies qui gloussent sous les
fenêtres jusqu’à deux heures du matin.
Une étude
sociologique devrait être menée sur les serviettes de plage : ta serviette
me dit qui tu es… le dauphin dans l’effort, l’équidé et sa majesté galopante,
la carte de la Martinique décolorée, les héros de dessins animés et les
pétasses siliconées. C’est un spectacle flamboyant tous les soirs sur les
rambardes des bungalows.
On peut
manger sur la terrasse si on aime les guêpes à midi et les moustiques le soir,
mais surtout si on aime partager son repas avec une dizaine d’autres terrasses.
On peut en perdre l’appétit. Le vacancier s’en accommode, il partage les
effluves des repas des autres comme ses conversations.
Le meilleur
reste à venir pour le vacancier : la soirée animation, le petit supplément
contre l’ennui programmé. Pour changer de la télé, on va s’installer au
« Forum » pour écouter un animateur au QI de flétan brailler dans un
micro. Surgomminé, la chemise ouverte sur une chaine plaquée rutilante, il fait
du gringue aux femmes esseulées. On le soupçonne d’avoir un plan du camping sur
lequel il aurait épinglé ses proies. Et là, c’est la fête jusqu’à 2 heures du
matin, avec le caisson de basse au max, pour bien vous faire comprendre que
vous êtes un touriste égaré.
J’ai des boules Quies.
J’ai testé le mobile home
sous 40 °C, c’est comme un four avec des fenêtres.
J’ai testé la soirée Ricard
avec les « hôtesses » en mini-shorts.
J’ai testé le super-U pour
les courses du premier jour.
Et aujourd’hui je teste la
coupure d’eau générale… Refoulement des eaux usées dans la piscine (petit bain seulement).
Samedi, le
ronron des moteurs reprendra dès 7 heures pour la transhumance, on ne ramènera
rien car le coffre était déjà trop petit à l’aller. Le vacancier s’en
retourne !
Ses
collègues lui diront qu’il a bonne mine au retour, lui il pense déjà à
l’immobilité de l’année prochaine, sur une autre terrasse qui ressemblera à
toutes les autres.
L’été
prochain, je pars avec un champion olympique de judo, ça ne rentre pas dans un
mobile home…