jeudi 15 décembre 2011

L'Embûche



Il fait vraiment un froid de canard, pourquoi ai-je encore eu cette idée stupide ? Je ne pouvais pas me contenter de la bûche Paris-Brest de Monsieur Caillot. Même chez Jean-Claude Picor,  le Roi du surgelé, ils ont de très bonnes bûches glacées. J'aurais pu faire livrer directement, ne pas me soucier du transport. Mais non, il fallait que j'épate la galerie avec mon snobisme de la pâtisserie de luxe. J'avais vendu cette bûche à ma famille comme je vendais une croisière aux Bahamas à l'agence de voyage.
« Une robe poudrée rosée, coulis coquelicot, mousse vanille Bourbon, cœur de fraise coulant, quelques fruits secs pour le croquant  (très important le jeu de textures en bouche) et biscuit sirop d'érable. »
Je me gargarisais, j’avais poussé le vice jusqu’à envoyer la photo par mail, était-ce dans l’espoir de voir ma mère coordonner la nappe ?  Mon père filmant les marquises de jambon de Parme sur les buffets des fêtes familiales était un sujet de moquerie récurrent, finalement, ma démarche, c’était kif kif bourricot. 
Cette bûche était indéniablement le nec plus ultra de la gourmandise, exit nains, scies en plastique made in China, aucune trace d'amanite tue-mouches meringuée. Pour la décoration raffinée de ces petites merveilles, des fruits bio à la fraîcheur garantie.
«Mais certainement, Madame, m’avait-on répondu au téléphone après dix minutes des « Quatre Saisons » en boucle, c’est de la Gariguette. »
C’est chouette la mondialisation, justement les saisons n’existent plus. Bon sang, je ne sens plus mes pieds.

Etant d’un naturel optimiste, j’ai évidemment sous-estimé la longueur de la file d’attente. Le 24 oui, mais le 23 je pensais avoir devancé tous les indécis de dernière minute.
Pourquoi n’ai-je pas pensé à mettre mes bottes fourrées en sortant de l’agence, ? Dans une heure je vais risquer l’amputation du gros orteil. 

La Place de la Madeleine est  noire de monde. Des voitures slaloment entre les camionnettes de livraison, au ras des pots d'échappement, pendant l'attente, on frise l'asphyxie. Une foule emmitouflée se déleste de petites bouffées de vapeur qui gèlent instantanément sur les écharpes et autre cache-nez. Les files d’attente des grands traiteurs se mélangeraient presque sans l’esprit d’organisation irréprochable d’un personnel aguerri. Heureusement, ils n’ont pas tous le même uniforme pour canaliser les congelés. Des petits jeunes embauchés au SMIC servent du vin chaud dans des gobelets avec un sourire réconfortant. On a du savoir vivre dans l’alimentation de luxe !
Vu du ciel, il y en a un qui ferait une photo inoubliable : des serpents lumineux multicolores s'entremêlant à des  files ininterrompues de chenilles processionnaires. C'est leur méthode, s’agglutiner au pied des sapins avant l’orgie.
Zut, j’ai les doigts gourds, je ne vais même pas pouvoir taper le code de ma carte bleue.

-          Vous avez essayé le « Don du ciel » ? L’an passé, c’était leur bûche vedette, je ne m’en suis pas encore remise. Ce croustillant praliné, absolument inoubliable. Cette année j’ai commandé « Noël de Provence », c’est audacieux ce petit sabayon à l’huile d’olive et ils offrent un véritable santon peint à la main, il paraît que c’est une série limitée. Quelle bonne idée, vous ne trouvez pas ?

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mercredi 14 décembre 2011

Le Thé


 

Le Thé


Miss Ellen, versez-moi le Thé,
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d’or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.

J’aime la folle cruauté
Des chimères qu’on apprivoise :
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.

Là sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L’extase et la naïveté
Miss Ellen versez-moi le Thé.

Théodore de Banville

Inventaire Lithéraire XXII

Papillon Rouge
Deborah Kayes - Sophie Blackhall
Tourbillon

jeudi 10 novembre 2011

DAVE FOREVER


C'est un mardi de printemps. Un de ceux qu'on attend longtemps dans le silence enrubanné des écharpes. Dave se laisse porter par ce petit air de renouveau. Enfin ! se dit-il, la sève va remonter dans les bourgeons. Dave part travailler comme tous les jours à 17h 45. Il prend toujours le même tram, négocie ses virages de la même manière, se rend à la même boulangerie et demande une  baguette pas trop cuite afin de confectionner son sandwich jambon-emmenthal, élément incontournable de son dîner tardif. Plus tard dans les cuisines de l'Hôtel Continental, il étalera le beurre demi-sel avec le même couteau emprunté à Miguel, le cuisinier portoricain arrivé l'année dernière. Enfin, il se rendra au vestiaire dans lequel il enfilera sa tenue de travail  et sera parfaitement à l'heure pour commencer son service. 

Dave est barman, il s'occupe avec zèle d'une clientèle exigeante. Il a même gagné deux ans auparavant le « Trophée Mr Cocktail ». Dave règle sa vie avec minutie, mesure ses émotions dans son verre doseur mais n'agite jamais ses souvenirs au shaker. Dave contrôle, cloisonne, la monotonie le rassure. Il a raison, car si pour certains le hasard fait bien les choses, il ne peut en toute lucidité adhérer à ce lieu commun. 


Le jour de sa naissance, le père étant inconnu au bataillon, et la mère un peu dérangée, la photo traditionnelle du couple transfiguré par l'heureux avènement  fut reportée sine die. En hommage au chanteur de variété qu'elle écoutait en boucle, sa mère l'avait affublé d'un prénom qui s'accordait de façon contestable avec son patronyme. C'est un départ difficile dans la vie.


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Inventaire Lithéraire XXI


Le Samouraï en armure rouge
Marcelino Truong
Gautier-Languereau

mardi 1 novembre 2011

Jésus revient



C’est en revenant du cimetière qu’elle prend sa décision. Elle partira chez sa cousine Lucette un peu avant Noël.

C’était sa première veillée de Toussaint depuis la mort de son mari Hyacinthe. Ce grand boloko là s’était fracassé le crâne avec sa grenat en arpentant la route poussiéreuse qui  menait à Morne-à-l’eau. Le casque ne faisait pas partie de son équipement, sa touffe crépue indomptable fournissait une excuse incontestable.
On avait retrouvé un poulet déplumé et éviscéré coincé dans les rayons de la roue avant. Le volatile n’était pas le seul coupable. Depuis des années Hyacinthe courait après le maillot jaune, son foie était confit et enflé, ses jambes fluettes comme des cannes à sucre.
Sa grenat était invariablement garée près des licences IV. L’argent du ménage ne suffisait plus à étancher sa soif. Marie-Philomène s’étonnait que cela ne soit pas arrivé plus tôt. Le Seigneur veillait sur lui et avait assurément posé un pilote automatique sur le guidon de sa mobylette. Le poulet l’ayant envoyé de vie à trépas, Marie-Philomène n’aurait plus à guetter chaque soir, le hoquet bruyant du moteur qui la préparait à assumer son devoir conjugal. Même imbibé jusqu’au dernier degré, Hyacinthe sortait de son pantalon un sexe flasque qu’aucune caresse ne réveillait. Il s’endormait ainsi, ses mains rugueuses sur les tétés de sa femme dans une félicité que ses ronflements ne perturbaient jamais. Elle se délivrait silencieusement de cette étreinte passive. Son rituel était immuable : en attendant de connaître l’extase, elle se servait un grand verre de Royal Soda ananas bien frais et implorait le ciel de découvrir un jour le plaisir. Elle essayait d’étouffer sa véritable nature, à presque cinquante ans Marie-Philomène était toujours chaude comme un piment Bondamanjak.

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Inventaire Lithéraire XVII

Meli Melo en Chine
Martine Perrin
Milan

mercredi 26 octobre 2011

Une plage remarquable



Rossignol
Sébastien Pérez/Benjamin Lacombe
Seuil

Dans ce magnifique album Benjamin Lacombe sublime la plage de Saint-Marc sur Mer, on y rencontre des personnages attachants, surtout un certain Monsieur Jacques. 
 
 
 
Une délicieuse parenthèse à découvrir absolument !
Pour en savoir plus rendez-vous sur le blog de Benjamin Lacombe



mercredi 19 octobre 2011

Inventaire Lithéraire XIV

 
Ce que lisent les animaux avant de dormir 
Noé Carlain - Nicolas Duffaut 
Editions Sarbacane

lundi 17 octobre 2011

mardi 11 octobre 2011

Place 57

Pertubations dans le trafic, une nouvelle de circonstance. 




Le tableau d'affichage émet un bruit de chapelet qui frétille : Quai 8.

A peine une minute plus tard, une déferlante secoue la foule, les roulettes des valises hoquètent sur les aspérités du bitume usé. Vendredi soir, gare Montparnasse bondée. C'est la bousculade comme d'habitude.
Voiture 12.
Tête de train, tout au bout, exactement où il commence à pleuvoir.
Il faut accélérer, le pire serait de devoir traverser les wagons avec ma valise.

Je regarde mon billet pour la cinquième fois, voiture 12, place 56, carré.
Carré, c'est pire que tout, il faut au contraire arrondir les angles. C'est mathématique, nuisances multipliées par deux, voire trois.
Avec ma chance habituelle, je vais me farcir une mère avec ses deux enfants qui passeront du coloriage à la console de jeux. Ma bête noire : le jeu de sept familles, ils braillent et se chicorent avant d'avoir réuni la fratrie.
Le « c'est quand qu'on arrive ? » martèlera chaque ralentissement, se fera plus pressant lors des arrêts obligatoires. La mère épuisée caressera sa progéniture d'un regard indulgent, et  lèvera les yeux aux ciel en implorant ma clémence.
Juste envie d'avoir la paix.

Voiture 9, j'arrive essoufflée, ruisselante, obligée de monter en catastrophe avant la fermeture des portes.
Le bar est pour l'instant désert.
Encore un petit effort. Je regarde mon billet pour la sixième fois, voiture 12, place 56, c'est compulsif.
Parfois,on s'assoit dans la voiture d'avant au même numéro de place, et on a l'air tellement idiot lorsqu'il faut déménager. Remettre son manteau, enlever le livre que l'on avait délicatement calé, juste là, dans le filet, à l'orée des genoux. Redescendre la valise qui pèse trois tonnes et qu'un gentleman s'était échiné à hisser dans le porte-bagage. Le regard noir qu'il vous lance à ce moment là met un point final à sa galanterie. La dernière lombaire craque au moment où vous réceptionnez le bagage.
Je préfère être complètement  « toquée » plutôt que de subir cette infamie.

Inventaire Lithéraire XI

 
Il faut avoir un gros chagrin pour faire un thé aux larmes.
Beaucoup de patience aussi.

Arnold Lobel
Hulul et Compagnie
Ecole des Loisirs

lundi 3 octobre 2011

Grain Noble


J'avais à peine sa main dans la mienne quand je me suis dit que notre histoire allait être compliquée. Nos doigts collants du sucre des croustillons ne pouvaient se détacher.
Nous vivions déjà la fin de cette  première heure ensemble comme un déchirement. Le soir tombait sur le Cours Saint-Pierre, les manèges de la foire de septembre attiraient toujours la foule. On piétinait sur les grandes feuilles orangées et poussiéreuses. Quand elle était montée dans l'auto-tamponneuse, c'est mon cœur qui en avait pris un coup dans l'aile. C'était une apparition, avec sa robe blanche et son petit paletot bleu ciel d'automne. Elle avait des étoiles de mer aux oreilles et un sourire tellement lumineux qu'il éclipsait toutes les foutues lumières clignotantes des attractions. Je sais même plus comment je lui ai parlé pour la première fois, quelles âneries j'ai pu débiter pour qu'elle me gratifie d'une once d'attention. On a fait les présentations, elle s'appelait Jeanne et elle venait de Gorges, d'ailleurs ses sœurs l'attendaient, il fallait qu'elle y aille pour pas rater le dernier car,  Je ne pouvais pas la laisser repartir comme ça, sans la promesse d'un rendez-vous, avec l'espoir d'effleurer à nouveau le soyeux de sa peau.
Du coup, j'avais eu un peu honte des miennes de mains, des mains d'ouvrier calleuses avec des ongles presque en deuil. Mais Jeanne, elle avait fait comme si de rien n'était, comme si j'avais des mains de baron et que j'étais né avec une cuillère en argent dans la bouche. Mes potes ont beaucoup moins rigolé quand sur un papier elle a griffonné son nom et un endroit secret où je pourrais la retrouver le samedi suivant. Je suis rentré comme un idiot avec mon papier froissé guettant l'instant où je pourrais le sortir de ma poche, le glisser discrètement sous mon nez afin de respirer encore une fois une petite bouffée de muguet.
Jeanne de La Messelerie.
Je ne sais pas pourquoi ce « de » m'obsédait. Deux lettres qui allaient construire un mur entre nous. 
 Si vous souhaitez lire la suite de cette histoire, rendez-vous sur

Inventaire Lithéraire VIII

Chip veut un chien
William Wegman
Seuil

mercredi 28 septembre 2011

Inventaire Lithéraire VII

 Une histoire attachante et d'une drôlerie irrésistible !

Deux sœurs reçoivent de la visite
Sonja Bougaeva
Sarbacane

jeudi 22 septembre 2011

mercredi 14 septembre 2011

Inventaire Lithéraire II

Katie Pom et le Crapaud Volant
Benjamin Rabier
Lancosme Editeur


Cherchez  théières, bouilloires, mugs et autres boites à thé...

Inventaire Lithéraire I

Vous avez aimé

Le petit inventaire incomplet de lithérature

sur mon site Lettres Infuses

alors pour une mise en valeur optimale des images, retrouvez le sur mon blog....

Contes Nomades- Catherine Gendrin- Rue du Monde


mardi 13 septembre 2011

La Séance


La séance
John Harwood
Le cherche midi

Si vous avez des projets pour les soirées à venir, n'ouvrez pas ce livre. Il est en effet difficile de le poser dans un petit coin et de l'oublier ne serait-ce que pour quelques heures. Dès le premier chapitre, on s'attache au personnage de Constance Langton. Cette dernière a perdu sa sœur très jeune laissant leur mère inconsolable, à la frontière de la folie. Le père toujours absent la laisse le cœur en friche aux bons soins du personnel de maison. Face à autant d'indifférence, Constance finit par se persuader qu'elle a été adoptée. Quelques années plus tard, un notaire John Montague remet à Constance des documents relatant l'histoire de ces évènements. Elle se lance alors dans une quête solitaire, découvrir la vérité.
La construction de ce roman est remarquable. Différents points de vue s'entremêlent, distillant les éléments d'une intrigue subtilement élaborée. Le suspense reste entier jusqu'au dénouement. Les personnages ont tous de la consistance et l'atmosphère de l'Angleterre victorienne est parfaitement restituée. Enfin la couverture est magnifique.

jeudi 1 septembre 2011

Les Garçons de Décembre





Michael Noonan
Bayard Jeunesse – Collection Millezime
Traduit de l'anglais (Australie) par Elisabeth Hugues

Dans les années 60, cinq orphelins d'une douzaine d'années passent leurs vacances d'été sur la côte australienne.  Ils explorent le village, la plage et ses dunes. Là, ils rencontrent Teresa, une jeune femme qui les fascine d'emblée.  Son mari, Fearless, possède la plus belle moto du monde. Pour ces garçons qui rêvent d'être adoptés, ce sont les parents idéaux. Seul l'un d'entre eux aura cette chance, une compétition féroce s'engage.

L'histoire tendre et cruelle d'un été qui va transformer leurs vies.
Jusqu'où seront-ils capables d'aller pour gagner l'affection de ce couple en mal d'enfant ?
Les  garçons explorent toutes les ambiguïtés de l'amitié. L'auteur a remarquablement fouillé la psychologie de ses personnages, avec délicatesse. Comment réagir face au mensonge, à la trahison ? Tout sonne juste. C'est avant tout d'amour que l'on parle, et les moments joyeux ne font pas oublier la douleur et la tristesse qui font grandir.